Quoi? Oclan ferme?
Oui, Oclan ferme. Assurément. Les achats de la prochaine saison d’automne n’ont pas été faits. Mais cette nouvelle n’a rien de triste ni de tragique. Il n’y a pas de faillite ni de manque de main-d’œuvre. Oclan, la boutique de vêtements qui habille les femmes, n’existera plus. Mais lui survivra son produit le plus éloquent, qui fait réagir tous ceux qui passent devant la vitrine du magasin du Petit Champlain depuis 1989, la griffe maison Fuck la mode.
Une image de marque qui fait réagir
Quand on demande quelles raisons l’ont poussé à terminer l’aventure Oclan, la réponse de M. Renaud est mûrie. «Le magasinage pour femme s’essouffle. La mode a changé. L’ADN de Oclan femme n’est pas du “mou”. J’ai habillé pendant des années les avocates, les médecins, les actrices, les femmes de premier ministre. Je proposais des vêtements plus habillés et l’intérêt est moins là aujourd’hui. Mais l’intérêt pour Fuck la mode lui, est bien présent. J’ai donc pris la décision de faire mon été et de fermer fin juillet, de faire une rénovation cosmétique et d’arriver avec un nouveau concept pour Fuck la mode.»
En 2020, je vous ai parlé de cet irrévérencieux slogan et de son histoire dans le cadre de l’ouverture d’un espace concept au second étage de la boutique Oclan. Je vous racontais que la genèse de ce provocant logo était une carte postale qui a servi d’envoi de masse pour ses clients. Jean-François Renaud relatait qu’«ils ont tellement aimé qu’ils ont demandé des t-shirts. À ce moment, j’en ai fait imprimer 60 et je me suis dit que ça allait s’arrêter là. À partir du moment où les t-shirts sont arrivés sur le plancher, ça n’a jamais arrêté.»
Aujourd’hui, l’histoire que j’entends est plus qu’une fermeture de magasin. Bonne nouvelle, la pandémie a fait «exploser» la marque Fuck la mode. M. Renaud n’a jamais cessé de voir le potentiel de cette image de marque. Pour lui, elle a plus qu’un attrait commercial, elle est l’occasion de laisser libre cours à son flair et à sa créativité mode.
«Nos logos fonctionnent, le nain, l’ourson, la signature maison et notre nouvelle signature écrite à la main. C’est original, nous travaillons avec notre illustrateur. Nous voulons collaborer avec des artistes locaux», explique M. Renaud. Depuis les deux dernières années, il a peaufiné son image de marque, trouvé de nouveaux fournisseurs et précisé la direction qu’il voulait prendre. Depuis juillet dernier, il affirme que «c’est parti!».
Ce changement offrira deux fois plus d’espace pour l’irrévérence. L’ancien espace Oclan sera réservé pour des pièces haut de gamme qui vont élever la marque. Sur les tablettes, on verra des chandails de mérinos et du cachemire. On nous annonce également des éditions limitées. Pour l’aménagement de l’espace, «je suis parti avec l’idée du sous-sol de ma mère». On s’attend à des meubles rétro, dans l’esprit des années 1970.
Nouveau chapitre
L’étage actuel de la marque sera consacré aux accessoires et produits dérivés. On parle aussi d’articles pour enfants. L’espace sera disponible pour une offre plus variée.
Après autant d’années à habiller ses clientes, Jean-François Renaud ne semble pas avoir perdu la flamme. «Je suis excité. Je suis rendu au point de développer ma marque et mon point de vue créatif. Il est certain que c’est 38 ans de mode féminine et que je me suis éclaté. J’ai travaillé avec les créateurs forts, Marie Saint Pierre, Nadia Toto, Philippe Dubuc. J’ai habillé des gens pour toutes les occasions, de la fille à la grand-mère. Je tourne la page avec de très bons souvenirs.»
Ce nouveau chapitre, Jean-François Renaud ne l’écrira pas seul. Philippe Montminy-Turgeon fait maintenant partie de l’histoire. Arrivé comme employé chez Oclan, il a montré beaucoup d’intérêt pour la marque dès ses débuts. Il a mentionné ses ambitions de devenir un jour entrepreneur à son patron. «Je l’ai laissé aller, pour me prouver. Durant la pandémie, il m’a vraiment épaulé dans plein de projets. Un moment donné, je lui ai dit : “Si ça t’intéresse, je suis prêt à être partenaire avec toi, on va faire un bout de chemin”», relate M. Renaud, qui se voit maintenant comme un mentor. «Ça va bien, c’est super. Je l’implique au niveau de la création. Je veux qu’il s’approprie l’entreprise.»
Bien que Jean-François Renaud ait trouvé une relève pour son entreprise, cet enfant terrible de la mode de Québec n’est pas sur le point de tirer sa révérence. Toutefois, en posant ce geste, il s’assure que son message de style se poursuivra pour les générations futures.
Et ce message insolent, coquin, qui combat la morosité, est justement ce dont on a besoin pour encore bien des années à venir : Fuck la mode!